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Florilège de pensées, cailloux légers

Un conte écrit ICI !

pour la gazette de la salamandragore :

« La capacité d’émerveillement prends source en nous »

 

 

« Le conte merveilleux, et ce n’est pas l’un de ses moindre mérite abolit toutes les cloisons dont notre monde est hérissé.  C’est une approche qui correspond parfaitement à l’intelligence de l’enfant.

La pierre est vivante puisqu’elle roule, le torrent est vivant puisqu’il dévale le ravin. »

« L’art n’a de sens que si il nous aide à vivre. »

 

« La danse libre, la musique vivante, la parole naissante »

 

« Que le rêve redevienne le compagnon de route de chacun »

 

« L’art traditionnel est un art de la formule magique. La formule du conteur pour entrer dans sa vérité, la posture du danseur qui contact l’esprit, la prière du chanteur qui appel au delà de lui. L’art traditionnel n’est pas un art c’est une magie »

 

« Les histoires n’appartiennent pas au conteur qui les raconte, elles appartiennent à tous, elles sont la mémoire de chacun et de chacune.

 

« La danse n’est pas un art, c’est une seconde nature »

 

« La mémoire est un océan dont l’écume s’échoue sur la plage de nos lèvres »

 

 

« La danse est une transe. Elle est sans tabou, mouvement libre. La danse est mouvement d’amour à la musique. Danser est musique d’amour, danser les battements d’âtre de la terre, mouvance »

« Oser le vertige, la spirale, le rebond et le saut… osé vibrer, onduler et tomber osé laisser chanter l’os et la peau, au rythme du son, oser même s’arrêter. »

 

« La danse est la tradition oral du geste… de corps en corps, une prière bouddhiste, un salue royaliste, une spirale indienne, comme les contes passent les frontières. »

 

 

 

 

« Ça s’est passé il y a longtemps, lorsque les horloges étaient dans le ventre des géants. Il y a longtemps, bien avant que les heures ne soient inventées, lorsque le temps était cyclique, lorsque l’aube et le crépuscule rythmaient nos vies… en ce temps là le temps s’écoulait tel un ruisseau, avant que le temps ne devienne une marchandise. »

« Ça s’est passé il y a longtemps, quand hier était demain et qu’aujourd’hui partait en voyage. »

 

 

 

               Les contes ont particulièrement ouvert mon attention aux « vieux et aux vielles ». Dos voutés, vieil homme à la canne, dame au sac à main, grand-mère cheveux blanc, grand-mère cheveux teint, voix grésillarde, polie comme un caillou et voix de vinyles anciens, enfants des bals musettes, fermières et dactylos, mineurs, ouvriers et grandes tablés :  qui sont nos arrières, nos anciens, nos aïeuls, nos ancêtres ?

               Depuis que je conte des histoires j’ai le temps. Avoir le temps est un état d’être. Lucien Gouron a dit : « avant on allait à pied et avait le temps, maintenant on veut prendre son pied et on perd son temps » j’ai le temps de m’arrêter , discuter avec le vieillard qui fait une pause sur le chemin pour reprendre son souffle.

 

                Ils ne me transmettent pas de contes traditionnels ces hommes et ces femmes de 1920, mais mon intérêt est vif et mon oreille s’exerce à décrypter les secrets sous leurs voix chevrotantes et leurs gestes tremblants. J’ai compris en collectant au petit bonheur la chance les anecdotes de leurs passé que nous vivions avec une des dernières générations à avoir connue totalement la vie rurale : la culture de la terre, la taille des arbres, l’élevage, la traction animale, le tricot et la broderie des femmes, les fours à bois, les familles de 13 enfants. C’est en écoutant Marie-Rose la bergère me conter la première ampoule électrique, René le bricoleur, Mamie Jo l’orpheline des couvents, Antoine le mineur que je déchiffre le tissage symbolique des contes. En les écoutant, je perçois combien le conte est vivant au sens où tous ce qui est dit a été vécu, dans le corps, les postures, dans le travail de ces gens. Ils ont connus notre société sans les supermarchés, sans l’automobile, sans la télévision.

                Je me demandais pourquoi après avoir échangé quelques mots et blagues avec un vieil homme je me sentais si empli de compassion ? Qu’est ce qui se transmettait dans cet échange somme toute banal ? Aux travers de leurs mots et de leurs expressions transpirent une autre vie. Tant de choses qu’ils ont connues n’existent plus, ils sont les témoins vivants de l’histoire de notre siècle. Leurs corps, leurs accents, leurs manières de me saluer évoquent les changements de ce siècle élancé vers l’avant.

               Le culte du « jeunisme » et  l’attraction pour la nouveauté déshéritent ces hommes et ces femmes d’un sens profond de leur expérience : « La transmission ». Leur savoir-faire est devenu caduc, leur connaissance du territoire obsolète. À qui profite leur connaissance de la nature, du bricolage, de la débrouillardise puisque les jeunes, les enfants ont changé de branches ? J’ai souvent lu dans leurs yeux un vague sentiment de culpabilité, une honte de perdre leurs moyens, « de peser », une gêne, un sentiment d’inutilité, une tristesse de se voir esseulé.

               Ce sont des êtres manuels, de bon sens pratique et qui ont encore la langue vive, parfois imagé, proverbiale des peuples de tradition orale.

               Mais ils me transmettent plus que l’évident constat des ruptures techniques, des changements d’apparences et de mentalités. Est-ce que c’est qu’ils ont connus la guerre et peuvent en témoigner ? Non, en contemplant leurs bouches et leurs rides profondes comme les sillons de la terre, en les écoutant me demander : « alors vous l’avez trouvé ? Quoi ? Bah l’élixir pour redevenir jeune ? (me demanda en ricanant, un vieil homme qui aurait aimé m’amener danser au bal…) »

               A leur contact j’apprivoise ma propre vieillesse, je me prépare aussi à perdre mes forces, mes ambitions, mes amis, ma femme et mon mari. Dans les yeux de chacun, sans l’ombre d’un doute plane la proche venue de celle qui nous rend tous égaux.

             Françoise ne semble pas pressée, Emilien voudrait encore aller danser au bal, Antoine prie pour rejoindre son épouse. Marie-Rose, alitée  attend patiemment, Hélène fait fis de sa venue, mais tous se préparent au plus grand voyage que l’homme puisse connaitre. Et lorsque je quitte la table sainte et sacrée, je sais qu’ils mont transmis un précieux secret, un feu, une chandelle, la flamme de leur mémoire, c'est-à-dire de leur expérience sur la terre. C’est pour eux que je raconte.

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